Eric Grosso, de l’équipe d’ALPAGE, avait fabriqué entre 2006 et 2010 la version bêta du logiciel MorphAL (version 0.1), un outil permettant de réaliser des analyses morphologiques à partir de données vectorielles, historiques ou non. MorphAL a été utilisé dans ALPAGE pour réaliser les premières analyses morphologiques du parcellaire parisien à partir des données vectorielles issues des plans Vasserot.
MorphAL avait été conçu comme plug-in des logiciels libres OpenJUMP. La documentation de MorphAL (version 0.1) décrit en détails les fonctionnalités disponibles en 2011. Puis, le consortium Projets Time Machine, qui développe des outils d’analyse spatiale, a rendu MorphAL accessible pour QGis, via une boîte à outils qui prend la forme d’un plugin QGIS.
En 2024, Eric Grosso et Eric Mermet, dans le cadre du projet ANR PARCEDES, ont repris le code et a produit une nouvelle version (version 2.0) du plugin MorphAL pour QGIS. Elle a été officiellement présentée en juillet 2024 lors de l’école d’été de l’ANR PARCEDES. Le plugin est directement disponible dans le gestionnaire d’extensions de QGIS, il met à disposition de nouveaux indicateurs morphologiques : Gravelius, élongation, défaut de convexité, compacité, etc. Une documentation explicitera bientôt tout cela.
Description précise de MorphAL :
Le plugin MorphAL (pour Morphological Analysis) permet d’enrichir des données shapefiles vectorielles du type « parcellaire » pour faciliter la recherche de logiques de structuration du paysage. Il ajoute des attributs sémantiques à des données en segments et en polygones concernant leurs propriétés géométriques (orientation, rectangularité, convexité). Ces attributs correspondent à des indicateurs mathématiques qui sont calculés automatiquement et intégrés dans la table attributaire des shapefiles.
Une donnée parcellaire en polygones, issue le plus souvent de cadastres vectorisés, peut être éclatée en segments ; puis le plugin permet d’ajouter l’orientation de chaque segment : les chercheurs peuvent ensuite tester ou repérer certaines orientations qui structurent tout ou partie d’un espace, et qui sont donc plus ou moins morphogénétiques (par exemple des centuriations romaines qui organisent la plaine padane de l’Italie du Nord encore aujourd’hui plus encore qu’à l’époque antique).
De plus, la géométrie des données parcellaires en polygones peut être caractérisée en fonction de deux critères d’analyse morphologique : la rectangularité (parcelles très éloignées ou au contraire très proches de leur rectangle minimum englobant) et la convexité (parcelles très éloignés ou au contraire très proches de leur enveloppe convexe). Des indicateurs mathématiques, d’une valeur comprise entre 0 et 1, sont automatiquement calculés et intégrés en attributs de la donnée shapefile, que l’on peut ensuite classer. La concentration en un lieu de parcelles très rectangulaires suggère une régularité que le discours historien doit ensuite analyser : elle permet de repérer une planification initiale (par exemple un lotissement à une époque ancienne, y compris protohistorique) et réactualisation de cette forme régulière dans le temps long à différentes époques (antique, médiévale, moderne…). La concentration en un lieu de parcelles à fort défaut de convexité suggère des conflits de forme et permet de repérer des décalages temporels qui se traduisent par une inadéquation des structures spatiales héritées.
Bibliographie :
Sandrine Robert, Hélène Noizet, Eric Grosso, Pascal Chareille, « Éléments d’analyses morphologiques du parcellaire ancien de Paris », dans H. Noizet, B. Bove, L. Costa (dir.), Paris de parcelles en pixels. Analyse géomatique de l’espace parisien médiéval et moderne, 2013, Paris, France, éd. Presses universitaires de Vincennes, pp.197-221.
Grosso, Eric ; Noizet, Hélène ; Robert, Sandrine ; Chareille, Pascal, « The ALPAGE historical GIS: a new tool allowing a new look at medieval Paris », dans François Djindjian, Sandrine Robert (éd.), Understanding Landscapes, from discovery to Land their spatial organization, British Archeological Reports International Series 2541, Proceedings of the XVI World Congress of the International Union of Prehistoric and Protohistoric Sciences (Florianopolis, Brazil, 4-10 September 2011), 4, 2013, p. 77-86.